LE PARTI, OU COMMENT NE PAS S’EN DÉBARRASSER…

Refaire de ce parti ce pourquoi il a été fondé.

(Source : https://pascal-holenweg.blogspot.com/2024/03/a-propos-dune-co-candidature-la.html, A propos de la candidature à la co-présidence du PSG de Salma Selle et Pascal Holenweg)

Un parti politique, à quoi ça sert -et on dit bien « à quoi », pas « à qui » ? A défendre un programme, bien sûr (il devrait être inutile de le préciser, mais il faut bien admettre que ce qui devrait être inutile ne l’est pas forcément). A participer au processus de décision politique, certes. Mais encore faut-il que cette participation n’entraine pas l’oubli de ce programme. A mener le débat politique, évidemment. A condition que ce débat se reflète dans nos actions. Disons en tout cas qu’un parti politique n’est pas une fin en soi, mais un instrument. Et que cela vaut pour le Parti socialiste comme pour les autres : Comme un instrument de musique qui reste silencieux faute de musicien ou musicienne pour en jouer, un parti politique perd de sa portée s’il n’est pas activement utilisé pour amplifier les voix de ceux et celles qu’il représente.

Un parti socialiste doit, s’il veut être autre chose qu’un appareil gérant des plans de carrière personnels, reposer sur un mouvement social qui lui préexiste et lui donne naissance : le mouvement socialiste préexiste aux partis socialistes, le mouvement ouvrier préexiste au mouvement socialiste. Les partis socialistes, et le PS genevois comme les autres, ont été créés sous l’impulsion des syndicats pour être leur instrument dans les institutions politiques -pour y défendre les revendications du mouvement ouvrier et les droits des travailleurs. Mais forcément, ces revendications et ces droits ont à être défendus contre l’ordre social établi. Et même, souvent, contre « l’opinion publique » du temps. Ce qui implique que le parti n’a pas à être une simple « caisse de résonance » de cette opinion publique telle qu’elle est, c’est-à-dire telle qu’elle est façonnée par la société qui la produit. Et ce qui vaut pour la défense des revendications et des droits des travailleurs vaut pour celle des groupes sociaux victimes de discriminations, de négations de leurs droits, de surdité à leurs revendications : le moment est à la xénophobie ? le nôtre est à la solidarité. Et le « sociétal », c’est toujours du « social ». Etre à contre-courant n’est pas un risque, c’est un engagement. Mais cet engagement va à l’encontre d’une tendance lourde : celle des partis nés d’une volonté de changement social d’être de moins en moins des partis de militants,et de plus en des partis de cadres, des machines à élire, à placer, à former des « professionnels de la politique ». Du rôle d’instruments fondamentaux du débat politique, ces partis sont insensiblement passés à celui d’école du pouvoir politique.

Et puis, il y a le contexte politique genevois : l’année dernière, la Parvulissime République s’est retrouvée affublée de son parlement le plus à droite depuis trois quarts de siècle. Ivre de cet accident de l’histoire, la majorité de ce parlement s’est mise à faire n’importe quoi. De sorte que même des institutions majoritairement de droite doivent assumer un rôle de contre-pouvoir à ce parlement de droite -ou d’ailleurs, ou de nulle part. Nous voilà donc avec des pouvoirs qui deviennent des contre-pouvoirs, un Conseil d’État de droite et des communes majoritairement de droite qui doivent freiner, à défaut de pouvoir la soigner, l’hubris de la majorité parlementaire cantonale de droite (les communes de gauche s’y employant déjà) …

Le Parti socialiste n’est pas un parti de révolutionnaires professionnels -ça se saurait. Il n’est pas non plus un parti d’avant-garde -mais ce n’est pas une raison pour se confiner à n’être qu’une arrière garde défensive dans des combats qu’on se résigne à perdre avant même que de les avoir livrés. Il a en revanche à jouer, ou plutôt à rejouer, un rôle qu’il a désappris : celui de contre-pouvoir.